A Kesennuma avec Makoto
8h32. Kesennuma.
Après un long trajet en train depuis Ichinoseki, je viens d'arriver à Kesennuma.
J'ai fait la rencontre de Makoto, un gars de Tôkyô, très sympa, qui n'hésite plus depuis un an à demander ses congés (ce qui est rare pour le travailleur japonais!) pour venir exclusivement ici, à Kesennuma.
Auparavant m'a-t-il dit, il ne prenait pas ses congés, pourtant obligatoire. Mais cette catastrophe a tout changé dans sa tête.
Son esprit, sa vision du monde n'est plus la même.
Il est venu à Kesennuma la première fois pour voir.
Il est revenu pour revoir.
Puis pour témoigner auprès des autres, ceux qui ne veulent plus venir dans le Tôhoku.
Puis par solidarité, pour aider.
Puis comme un habitué maintenant.
Venir ici est devenu sa drogue, nécessaire.
Je lui ai dit que je comptais louer un vélo pour me déplacer dans Kesennuma.
Lui aussi, il fait toujours ça.
Alors il m'a proposé de m'aider pour en louer un, nous le ferions ensemble et il me guidera.
J'ai tout de suite accepté, que j'en étais très heureux.
Nous avons donc loué nos vélos, et je l'ai suivi.
Devant la gare de Kesennuma, point de départ d'une nouvelle aventure ...
Il y a ce phare qui rappelle à tous que Kesennuma est un port de pêche réputé, les poissons peints sur le toit du bâtiment de la gare aussi.
Heureusement que j'ai un guide car je n'aurais pas su où aller.
Nous empruntons une longue route descendante.
Pour le moment je ne remarque aucune traces de destruction liée au tsunami. Les bâtiments sont intacts, déjà réparés?
Non, ici c'est le haut de la ville de Kesennuma, qui compte environ 17 000 habitants. Les vagues ne sont pas montées jusqu'ici et par ici.
Le gros de la zone dévastée est plus loin, de l'autre côté d'une montagne, vers le port de pêche et la zone industrielle.
Mais déjà tout au bout de cette longue rue je vois des espaces vides, il y avait des habitations à ces endroits ...
Je m'arrête pour faire ces images, Makoto aussi. On en parle un peu, c'est le début du port ici, mais de plaisance.
Il veut continuer, ce n'est pas là me dit-il.
Nous roulons, nous roulons sous le soleil qui tape déjà dur. Je ne ferai pas assez attention et aurai de gros coups de soleil sur les bras en fin de journée.
Nous contournons en effet une montagne et débouchons sur un vaste plaine rasée.
Oh merde!!!
C'est ça!
C'est là!
Je suis toujours Makoto. Je fais des photos en roulant pour ne pas le forcer à s'arrêter tout le temps.
Mais le paysage a subitement changé.
La ville a laissé place à cette vaste zone vide. Un sol nu, comme rasé, de rares bâtiments, des habitations subsitent sur les côté et sur les hauteurs.
Seul reste le repère 'Makoto sur son vélo' mais tout le reste n'est plus.
Nous voilà au coeur de la dévastation, il n'y a plus rien.
Ça me prend à la gorge.
Au coeur.
Ne vous attendez pas à voir des 'restes' du tsunami, des objets amoncellés, les voitures en vrac, des murs par terre. Tout a été déblayé.
Vous voulez quoi, des cadavres?
840 morts.
1200 disparus.
Kesennuma c'est ça.
C'est là.
Une grande anse qui s'enfonce vers les montagnes.
Les vagues ont déferlé, s'amplifiant en entrant dans cette zone. La plus importante mesurait 20 mètres de haut.
Tout a été balayé.
Voyez le résultat ...
Les flaques qui restent des pluies récentes donnent l'impression que l'eau est toujours resté là depuis mars 2011! Comme un terrible souvenir.
Des images prises juste après la catastrophe ...