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Densha Otaku 365 
10 avril 2013

Vers Kesennuma ...

7h17. Ichinoseki eki.

Je m'apprête à prendre un train local de la série KIha 100 (diesel car) pour aller à Kesennuma.

Japan Eki-nox 2012 392

Je découvre que j'aurais droit à l'un des touts premiers trains de cette immense série des KIHa 100 (incluant les KiHa 101-110-111-112), livré au dépôt d'Ichinoseki en janvier 1990. Ce KiHa 100-4 fait partie des 4 trains de pré-série arrivé ici en premier pour tests. Ils ont pour particularité ces 'barres' métalliques en bas de caisse qu'il n'y aura plus sur les 243 exemplaires qui suivront pendant 10 ans pour arroser toutes les campagnes japonaises
A noter que le KiHa 100-1 a reçu à l'automne dernier (juste après mon passage, donc!!grrr!) une livrée spéciale 'Pokémon with you'.

Japan Eki-nox 2012 391

7h19. Le train part.
Sur une ligne à voie unique, et toujours métrique. On sent le poids des années, plus de vingts ans de service, des matériaux qui ont vieillis, ça pousse dur à l'accélération et ça s'entend!

Je ne vais pas faire beaucoup d'images durant le trajet d'une bonne heure et demie. C'est assez long. On ne va pas vers Kesennuma pour rien, pour flâner, pour le plaisir. Comme si j'étais déjà dans un autre monde, le monde du recueillement, plus celui du touriste otaku. Une sorte de respect pour les lieux, les gens, les victimes.

Le ciel est couvert, pluvieux par moment. Ou quelques éclaircies aussi.

Japan Eki-nox 2012 393

Une image lors d'un arrêt dans une petite gare de campagne.

Une autre depuis ma place, dos au paysage, des femmes endormies ...

Japan Eki-nox 2012 394

Des étudiants ...

Japan Eki-nox 2012 395

On ne va pas vers Kesennuma comme on va vers un autre endroit.

On sait. On connait l'histoire récente.
Le séisme suivi d'un gigantesque tsunami. Une horrible catastrophe. Des centaines de morts, de disparus, la dévastation. Le malheur, les larmes.
Il y a tout cela dans la tête.
Je regarde chaque personne autour de moi, je pense à cela et je me dis qu'ils en ont réchappé. S'ils habitent loin de Kesennuma, ça va. Mais s'ils sont là c'est qu'ils doivent bien connaître des personnes touchées, ils ont peut-être perdu des proches, des amis, des connaissances.

La vie a changé par ici depuis mars 2011.

La vie s'est arrêté pour beaucoup.

Comme cette ligne, Ôfunato line, qui dorénavant s'arrête à Kesennuma.
Auparavant elle continuait, longeait le bord de l'océan.

Cet océan qui a décidé de tout arrêter. Un océan plus très pacifique.

Puis juste à côté de moi, un homme.
Comme moi. Il a l'air d'un touriste, cela se remarque vite.
Il lit un livre.
Un moment il le pose à côté de lui, sur le siège.
J'y vois une image terrible, un bus sur le toit d'un bâtiment.
C'est un livre sur la tragédie qui a eu lieu à Kesennuma et tout le long de la côte Tôhoku.

Japan Eki-nox 2012 397

Cela m'interpelle.
Je l'accoste.
On échange quelques mots, puis des phrases. Une vraie conversation s'engage sur ce qui s'est passé ici il y a un an et demi.
Sur le pourquoi de venir ici, pour chacun.
Je lui raconte ma passion pour les trains japonais, et le voyage à travers son beau pays. Puis que je viens là parce que j'en ressens le besoin. Pour témoigner, par solidarité. Pour en rendre compte ensuite sur mon blog, ce que vous lisez aujourd'hui.
Il trouve cela très bien, il comprend.

Et lui?
Il vient ici par solidarité avec ceux qui restent, ceux qui ont tout perdu ou presque. Ceux qui essayent de reprendre une vie normale si tant est possible que cela le soit.
Depuis plus d'un an il est déjà venu une dizaine de fois!!
Il ne peut s'en empêcher, venir, revenir, re-revenir, ...
Il ne sait plus trop bien pourquoi il revient toujours là mais il sait qu'il doit revenir. C'est son destin.
Je trouve cela très bien, je comprends.

Il habite et travaille à Tôkyô.
Il s'appelle Makoto.
Il est l'un de ces habituels salaryman que l'on croise sans plus regarder dans les gares de la capitale.
Sa vie se passe dans un bureau sans âme, avec un chef aussi pénible et froid que tous les autres chefs.
Devant des papiers sans fin et un écran.

Venir ici le rend vivant.

Nous parlons en mêlant japonais et anglais, toute la fin du trajet va se passer ainsi, et s'écourter considérablement.

Une vraie rencontre, riche, intéressante.

Et son livre comme support, comme point de départ ...

Japan Eki-nox 2012 398

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